La représentation du mouvement chez les personnes malvoyantes ou non-voyantes
De par la nature de leur handicap, les personnes malvoyantes ou non-voyantes n’ont pas la même compréhension du mouvement, la représentation mentale (capacité à se représenter mentalement un objet, une situation ou un mouvement) ni la même appréhension du schéma corporel (représentation de son propre corps dans le temps et l’espace).
En l’absence de repères visuels ou avec des repères visuels imparfaits (flou, appréciation des distances, de la vitesse), l’appréciation du mouvement, y compris le mouvement sportif, devient plus difficile.
Mathieu, malvoyant de naissance, explique ne pas être capable de se représenter un mouvement qu’il n’a jamais pu faire lui-même. « Ma représentation du mouvement est fluide, mais très grossière, je n’arrive pas à me représenter les mouvements fins. »
La perception visuelle est très intimement liée à la proprioception et au contrôle postural. La proprioception peut être définie comme le sixième sens du corps humain, elle permet, grâce à différents capteurs et récepteurs, d’avoir une perception (consciente et inconsciente) des différentes parties de notre corps (à l’arrêt comme durant le mouvement).
Parmi les systèmes de perception, on peut citer le système vestibulaire (oreille interne), différents capteurs situés dans les muscles et dans la peau, mais également le système visuel. Le contrôle postural peut se définir comme la régulation de la position des différents segments du corps (bras, jambes, tête…) dans des situations statiques comme dans des situations dynamiques, il est lui aussi lié à la proprioception.
Charlotte, elle aussi malvoyante de naissance, témoigne : « Si je connais et que j’ai expérimenté un mouvement, je suis capable de me représenter mentalement les moindres détails de celui-ci. »
Mathieu quant à lui, raconte « quand je m’imagine un mouvement que je connais, je sens mon corps s’activer. »
En outre, avec un système visuel déficient ou absent, les personnes malvoyantes ou non-voyantes présentent une moins bonne gestion de l’équilibre statique et dynamique. La vision permet dans un premier temps de recréer l’environnement dans lequel nous évoluons, mais l’intégration des sensations visuelles et proprioceptives se fait dans une seule zone cérébrale. L’équilibre sera donc perturbé en l’absence de sensations visuelles. En plus de cela, il se peut que l’on observe un apprentissage moteur plus long chez les personnes malvoyantes ou non-voyantes. Celles-ci vont pouvoir apprendre de nouveaux gestes grâce à de nombreuses informations autres que visuelles : la nécessité de feedbacks (retour sur la performance effectuée), ou le besoin de toucher ou sentir le mouvement pour se le représenter.
Mathieu et Charlotte sont unanimes : ils ont besoin dans un premier temps d’une description orale détaillée pour essayer de se représenter le mouvement, puis d’effectuer le mouvement demandé avec des corrections pour pouvoir créer une sorte d’empreinte gestuelle qui soit correcte. La déficience du système visuel peut limiter l’impact des neurones miroirs dans l’apprentissage (structures cérébrales permettant de se représenter mentalement un mouvement que l’on voit). En résumé, le système visuel est étroitement lié à la manière dont nous percevons et appréhendons notre corps, qu’il soit en mouvement ou pas, ainsi que l’environnement dans lequel nous évoluons. Il impacte donc les représentations mentales du corps, du geste, ainsi que l’apprentissage et la réalisation des mouvements.